TU SORS LA TÊTE DE L'ÉCRAN, TU VIBRES ET TU VIS VRAIMENT.

T'entres dans le royaume, le domaine. Cette soirée est une des meilleures du mois, t'en es bien conscient. La foule est en délire, les filles comme les mecs sont à moitié défoncés. Il fait chaud, c'est vrai. L'ambiance bat déjà son plein alors que ça n'doit faire qu'une heure et demie que le merdier a commencé. On vient de te fixer ton billet d'entrée au poignet, une sorte de bracelet en plastique bleu piscine. T'aimes bien la couleur, tu te sors une clope, t'avances à travers les gens. Tu ne reconnais pas tout de suite les têtes parce qu'il fait sombre et que tout le monde court dans tous les sens. Tu sors ton briquet, allume enfin ta tige et tu tires ta première latte, enfin. Tu te sens beaucoup plus tendu que d'habitude parce que t'as dû te taper trente minutes de marche avant de pouvoir enfin entrer. Mon stick est là pour remédier à tout ça. Tu te dis que tu pourrais rencontrer mille milliards d'amis potentiels ici, mais tu sais aussi que les gens sont l'apparence trompeuse. Comme cette fille là. Elle est un peu plus habillée que les autres chaudières qui l'entourent mais tu sens à dix milles que c'une marie couche-toi là. T'es pas fou, t'en as déjà vu des comme ça, elles se repèrent à dix-mille. T'aimes pas les filles faciles, tu le sais. Tu préfères celle avec qui il faut jouer, c'est beaucoup plus excitant. T'as des problèmes, mais pas à en arriver à t'allonger sur de la facile. T'es perdu dans tes pensées jusqu'à c'que tu sentes quelque chose te toucher l'épaule. Tu te retournes, ce quelque chose est devenu quelqu'un, que tu ne connais pas.

J'ATTENDS PAS GRAND CHOSE DE SPÉCIAL, LES JOURS PASSENT ET SE RESSEMBLENT UN PEU.
Tu sais même pas c'que tu fous à cette soirée. Y'a que des gens que tu connais pas. Enfin, disons que tu les connais plus ou moins de vue, mais que tu les apprécies pas particulièrement. En même temps, faut dire que t'es pas du genre sociable. Tes amis, tu sais qui c'est, et ils te suffisent, pas besoin d'aller jouer l'hypocrite auprès d tous les gens du lycée. Simon t'avait dit qu'il serait là, mais au final, t'arrive pas à le trouver. T'aperçois vite fait Teddy, mais tu te caches derrière quelqu'un de grand pour l'éviter. Manquerait plus qu'il vienne te faire chier. Tu t'es rempli un de ces grands gobelets rouge avec un peu de tequila et de jus d'orange, histoire de commencer en douceur. Tu tiens quand même à pouvoir contrôler tes mouvements un minimum. Y'a des mecs qui cherchent déjà à te coller, mais tu leur fais comprendre en un regard que c'est même pas la peine d'essayer. Ouais, t'as ce don de faire un peu peur avec tes grands yeux noirs. Et puis, t'oublie pas ton rôle principal, celui de ta vie : celui de la vierge qui ne connait rien au sexe. Ça te fait rire de voir que tous ces idiots au lycée peuvent croire que t'as jamais couché avec un mec. Mais ce qui t'amuse encore plus, c'est de voir à quel point ça peut les intéresser. Au fond, c'est ça que tu veux : qu'on fasse un peu attention à toi. D'ailleurs, t'es tellement perdue dans tes pensées que tu regardes même plus où tu marches. T'as ton verre devant toi, et tu laisses tes jambes te guider. C'est comme ça que tu fonces directement dans un mec, dos à toi. Le pauvre, il avait rien demandé à personne, et toi tu lui renverses littéralement ton verre dessus, comme une conne. Ça te réveille d'un coup, et tu sens vraiment conne. TOi aussi t'as un peu de boisson qui a coulé sur tes jambes nues, ton short n'étant pas assez long pour les couvrir. Tu le regardes, mais tu le connais pas. Enfin, tu l'as déjà aperçu au lycée, tu crois même savoir son prénom, mais t'es pas sûre. « Pardon. Je... j'suis désolée. » T'esquives un petit sourire qui se veut mignon,e t t'espère que le mec est pas du genre à casser la gueule de la première venue qui lui renverse un peu de tequila dessus.

tu commences à être dans l'ambiance, tu sens ton corps se mêler à la musique. t'aimes ressentir cette sensation. tu le sais, t'es pas vraiment expressif sauf quand il s'agit de montrer que t'es pas content. ça, tu le sais le faire. au fond, t'es pas quelqu'un de méchant mais faut pas t'emmerder et il faut surtout pas te parler de ta famille. c'pas que t'en as honte, c'est juste que c'est quelque chose de trop douloureux. parce que même si t'es dur d'entrée, au fond, t'es tout sensible, tout fragile et ça, ça te fait rager. mais t'es pas là pour pleurnicher sur ton sort, t'es là pour te la coller. les filles sont chaudes, tu le vois. tu sirotes ton verre, en quête du bonheur que tu ressens quand t'es déchiré. tout va bien pour l'instant, tu te sens bien, t'es limite content. y'a de la bonne musique, les filles sont belles, les boissons sont fraiches. mais là, c'est le drame. tu sens de la fraîcheur sur ton dos et t'entends quelqu'un s'excuser. t'as envie de criser quand tu te rends compte que quelqu'un t'as renversé ton verre dessus. tu te tournes, un peu en speed. c'est une jeune femme. typée, brune, très jolie, des lèvres pulpeuses. tu la regardes de haut en bas. tu vas gueuler ou pas ? tu ne sais pas encore. pour l'instant tu ne dis rien, tu fais qu'enlever ton sweat. de toute façon il faisait chaud. tu le poses sur une table, tant pis si il disparaît. de toute façon tu l'aimais pas vraiment en fait. « pas de mal. » tu t'étonnes toi-même d'avoir répondu ça. d'ordinaire, tu aurais sûrement grogné un peu. tu vois qu'elle est presque aussi mouillée que toi. tu fais une petite moue. ton ton est tout de même neutre, comme d'habitude. tu soupires doucement, remonte ton jean même si ton t-shirt et un peu long. tu le regardes, elle a l'air un peu hésitante, comme si elle craignait que tu réagisse mal. c'est d'ailleurs pour ça que t'as bien réagir. peut-être pour l'étonner, tu ne sais pas. de toute façon tu ne sais jamais rien.