C'est drôlement dangereux de s'attacher à quelqu'un, c'est incroyable ce que ça peut faire mal. Rien que la peur de perdre l'autre est douloureuse. C'est moche de guetter un signe de quelqu'un pour se sentir heureux...

we are young.

Un matin comme un autre. Un soleil chaleureux et lumineux qui me réveilla avec une douceur agréable. Rien à voir avec les cris stridents et désagréables du réveil que j'utilisais avant. Je me redressai sur mon lit, émergeant de mon cocon de couette, les cheveux en bataille, comme toujours. J'allais dans la chambre de mon frère et secouait légèrement son épaule, comme tous les matins. C'était ma manière à moi de le réveiller, une vieille habitude. Je descendais ensuite au rez-de-chaussée et me servais un bol de lait frais et des céréales avant de partir pour la salle de bain me préparer. Aujourd'hui j'avais un TP de biologie, on devait disséquer un coeur. J'appréhendais toujours ce genre d’évènements puisque je ne supportait pas trop l'odeur, surtout celle des produits utilisés. Mais c'était nécessaire à ma formation surtout si je désirai devenir infirmier. Alors j'enfilais des vêtements simples auxquels je ne tenais que moyennement histoire d'éviter les drames et prenais ma blouse, indispensable accessoire. Je saluais brièvement Ethan qui descendait à peine et me précipitais dehors, prenant ma voiture et conduisant jusqu'à l'université. Je me garai à ma place habituelle et me dirigeai tout droit vers la salle de cours. Le professeur était absent ainsi que bon nombre d'élèves, j'étais arrivé dans les premiers. Je m'installai tranquillement à ma paillasse quand la sonnerie retentit, annonçant le début du cours. Tous les élèves arrivèrent en masse dans la classe, suivis de près par l'enseignant. Matthew, mon voisin habituel se rangea à mes côtés et nous échangeâmes un sourire. Le professeur, Mr. Wagner poussait devant lui une table roulante sur laquelle étaient disposés plusieurs plateaux contenant scalpels, ciseaux, divers autres outils et bien évidemment, la pièce maîtresse, les coeurs de boeuf.

« Bonjour à tous. Aujourd'hui comme vous le savez c'est TP et dissection du coeur. J'ai décidé que vous devriez changer de partenaire, pour vous permettre de rencontrer de nouvelles personnes. »

Un soupire s'éleva de la plupart des bouches dans la classe, dont la mienne bien évidemment. Il fit abstraction de notre mécontentement et poursuivit sur sa lancé.

« En outre j'ai constitué moi-même les nouveaux binômes. Ils seront identiques jusqu'à la fin du mois, après quoi nous changeront à nouveau. »

Je levais les yeux au ciel d'un air exaspéré, laissant lourdement tomber ma tête dans mes bras croisés sur la table, tandis que les protestations fusaient. Mr. Wagner, inébranlable, commença à constituer les duos. Matthew s'en alla avec Marie, une fille sympa mais un peu trop timide. Il me salua un coup et je patientais à ma place, le temps qu'on me décerne un nouveau coéquipier. Le professeur s'approcha de moi et lança :

« Bradford, allez avec Rosewood. »

Bradford... Je savais très bien de qui il s'agissait tant son nom avait résonné dans ma tête un nombre incalculable de fois. Je me redressais, plus vif que l'éclair, tâchant tout de même d'adopter une position normale. Je l'ignorai totalement, regardant obstinément droit devant moi. Ce type était mon talon d'Achille depuis quelques temps mais je préférai qu'on m'arracha les deux mains plutôt que de l'avouer. En plus il faisait de la natation avec moi et le voir en petit maillot moulant valait le détour, croyez-moi. Bordel à quoi je pensais là ? Fallait que je me reprenne c'était sûr. L'enseignant nous donna le matériel nécessaire à l'opération ainsi qu'un coeur. Je ne bronchai pas.

« Bien. Allez-y. »

Je daignais me tourner vers lui, perdant malheureusement pied dès que je croisais son regard d'un bleu magnifique. Mais je ne laissais rien paraître. Une chose était sûre, ce cours s'avérait bien plus intéressant que prévu.

C'est drôlement dangereux de s'attacher à quelqu'un, c'est incroyable ce que ça peut faire mal. Rien que la peur de perdre l'autre est douloureuse. C'est moche de guetter un signe de quelqu'un pour se sentir heureux...

opération dissection du coeur.

Les matins en général étaient toujours très pénibles pour moi. Il est vrai que je n'avais jamais été un lève-tard depuis ma naissance, et ce n'est pas, en faisant des études de médecine, que ça changerait quoi que ce soit. En fait, dès que mon réveil retentissait, je l'éteignais après la première note de la sonnerie. Parfois, j'étais violent envers ce pauvre objet qui ne m'avait en soi pas fait de mal - à part me sortir de mon sommeil -, mais il restait mon ennemi public numéro un. Ce matin était, pour d'autres, un jour comme les autres, pour moi c'était un jour que je détestais particulièrement, et pas pour n'importe quelle raison. Aujourd'hui avait lieu la dissection d'un coeur. Certes, j'étais en étude de médecine, j'étais bien obligé de passer par là, mais je n'aimais pas disséquer un coeur. En revanche, s'il s'agissait d'un autre muscle, par exemple un oeil, j'aurais plus apprécié. Six heures trente. J'émergeais enfin de ma couette, après dix minutes de réveil et d'extension. J'avais pris l'habitude de programmer mon réveil dix minutes à l'avance pour ne pas être pris au dépourvu au moment de l'heure fatale de se lever. Il faisait froid. Il faut dire que j'étais particulièrement frileux, mon corps était apparemment fabriqué comme ça. Ni une ni deux, je passais dans la salle de bains, puisqu'il me fallait au moins vingt minutes pour me préparer, dont quinze pour glander sous l'eau chaude. Je ne prenais généralement jamais de petit-déjeuner, mis à part une tasse de café vite fait. Je n'avais pas d'appétit le matin, même si c'était le repas le plus important de la journée. J'avais heureusement opté pour des vêtements les plus simples possible, je savais que la dissection allait faire des dégâts et je ne voulais en aucun cas tâcher des affaires auxquelles je tenais. Après ça, ni une ni deux, je partais en direction de l'université, fin prêt pour l'opération dissection du coeur.

J'étais arrivé dans le local soixante-huit, certes quelques minutes en retard mais j'étais là. Mon prof de bio, Mr. Wagner était un vrai enfoiré. Il notait quand on arrivait en retard, mais lui quand il était en retard, on ne pouvait rien dire. Ok, c'était leur métier. Heureusement, j'arrivais au moment où ils rentraient en classe. Bien évidemment, quand je mettais le pied dans le local, il n'y avait plus de place libre. Forcément, c'était l'inconvénient d'arriver en retard. J'ai donc dû aller m'installer à côté de Jane, une fille à qui je plaisais apparemment, mais qui avait un monosourcil impressionnant, d'ailleurs elle portait bien son prénom, en référence à Tarzan. Je m'asseyais, lui adressant juste un sourcil comme pour dire bonjour. Puis, le professeur poussait devant lui une table. Tout le monde avait les yeux rivés sur le contenu, dont bien évidemment, les coeurs de boeuf. Les commentaires fusaient et Mr. Wagner a même dû nous demander nous taire à maintes reprises. « Bonjour à tous. Aujourd'hui comme vous le savez c'est TP et dissection du coeur. J'ai décidé que vous devriez changer de partenaire, pour vous permettre de rencontrer de nouvelles personnes. » Je grimaçais à ses paroles, m'imaginant plein de possibilités de personnes avec qui je formerais le binôme, tandis que les autres soupiraient. Je m'imaginais le pire, mais restait confiant lorsque je voyais les personnes que je redoutais le plus qui partaient avec d'autres. « En outre j'ai constitué moi-même les nouveaux binômes. Ils seront identiques jusqu'à la fin du mois, après quoi nous changeront à nouveau. » Jusqu'à la fin du mois ? Tant mieux, ça ne durerait pas aussi longtemps que je ne pensais. Je laissais lourdement tomber ma tête sur la paume de ma main droite, le coude appuyé sur la table alors que le professeur continuait sur sa lancée car apparemment il avait l'air fier de lui de constituer lui-même les duos. « Bradford, allez avec Rosewood. » J'avais les yeux rivés sur le tableau verdâtre, j'étais dans mes pensées. Bradford. C'est moi ça. Je n'avais pas entendu le reste de la phrase, j'étais resté focalisé sur mon nom. Je me retournais et voyais le professeur, positionné en face d'un bouclé. J'avais très vite compris que c'était lui mon binôme. Je soupirais, me levant de ma chaise et allais m'installer à ses côtés. Le prof continuait son bout de chemin et se plaçait devant sa table. « Allez-y. » Le Rosewood n'avait pas l'air très bavard. Et puis, je tiltais. Ledit Rosewood, c'était Mathys, le garçon. Oui, ce garçon-là, que j'avais croisé dans les couloirs plusieurs fois et qui... Enfin, bref. Il regardait droit devant lui, j'ai même cru qu'il avait peur de cette dissection. Cette perspective me faisait sourire, surtout de voir comment il ne bronchait pas. Lorsqu'un sourire se dessinait sur mes lèvres, il tournait sa tête vers moi. Mon coeur battait la chamade. J'étais complètement noyé dans ses yeux. J'avais peut-être l'air ridicule, et cette situation prenait le dessus sur moi. Alors, je baissais mon regard vers les outils donnés par Mr. Wagner, me décidant enfin à prendre la parole. « Bon, on est censé faire quoi ici ? » J'étais bien sûr au courant de ce qu'il fallait faire, mais je ne voulais pas le montrer, préférant le laisser faire. Je voulais juste avoir un sujet de discussion, sinon on allait rester muet tout le cours. Je prenais le scalpel en main et me rendais compte que je tremblais. C'était dû à la dissection, ou au fait que Mathys était désormais mon binôme jusque la fin du mois ?