Les Hautes Autorités de Santé avaient fait passer des messages en boucle sur l’ensemble des moyens de communication disponibles. Ils disaient que la situation était sous contrôle, et qu’il fallait se calfeutrer chez soi. Foutaises, je vous dis. Ça me fait mal de le dire, mais ces psychopathes de survivalistes avaient raison : la fin du monde arrivait. Et elle avait faim. Tout a commencé il y a deux ans. Les médias ont relaté qu’un sans-papier avait dévoré un passant dans une rue de nouvelle Orléans. Abattu par les forces de l’ordre, son acte était apparemment dû à un désordre psychiatrique. Sa victime, prise en charge par une équipe médicale, est décédée quelques heures plus tard à l’hôpital, certainement de ses blessures. Le lendemain, la ville était placée sous quarantaine par les Autorités Sanitaires, tout entrée ou sortie y était impossible ; et son hôpital n’existait plus. Mais, dans le monde dans lequel nous vivions, stopper les flux migratoires étaient impossibles. Une forme de terreur et d’hystérie générale poussait les gens à quitter le plus vite possible leur quartier, leur ville, leur pays. Ce fut, je pense, la clé de la vectorisation de l’agent infectieux. Ce pourquoi, en quelques semaines, le monde entier s’entre-déchirait. Nous devions appliquer les mêmes consignes que lors de la grippe aviaire : nous laver les mains, nous protéger à l’aide de masques, et ne pas approcher les cadavres. Ils auraient mieux fait de nous dire de nous mettre une balle dans la tête. Puis d’autres consignes passèrent : signaler aux autorités si un proche était souffrant ou présentait des symptômes grippaux. Rester enfermer chez soi, le temps que la situation se règle. Mais rien n’arriva. Il fallait le voir pour le croire : les cadavres se relevaient et tentaient de dévorer tout être vivant sur son passage. Aucun moyen de les arrêter, si ce n’est leur exploser la cervelle. Une morsure, et vous rejoigniez leurs rangs. Tout contact avec du sang contaminé vous exposait à une fièvre intense, des douleurs musculaires, puis une mort. Puis une nouvelle vie, condamnée à errer sur cette terre réincarnée en cadavre ambulant. Tout cela s’est passé il y a deux ans. Depuis, peut-être 1/100ème de la population mondiale a survécu. Nous n’avons plus de gouvernement, plus de pays. Juste nous, quelques survivants. Et eux, des milliards de marcheurs morts.